Fuir dans le travail ou les hobbies : un symptôme qui parle au couple
- frédéric lacrabere
- il y a 2 jours
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Lorsqu’un partenaire s’absorbe dans des heures supplémentaires, des entraînements marathon ou une passion dévorante pour la guitare vintage, la tentation est grande de juger sa motivation : paresse affective, désintérêt, voire égoïsme. Pourtant, en thérapie de couple, cette fuite est souvent comprise comme un symptôme plutôt qu’un caractère. S’évader dans le travail ou les loisirs permet de masquer, quelques instants, la tension intérieure générée par les conflits conjugaux non résolus. Autrement dit : l’agenda saturé peut devenir un anxiolytique socialement valorisé.
Le mécanisme d’évitement
Sur le plan psychique, l’investissement massif dans une activité procure trois bénéfices immédiats :
Structure et contrôle : le travail suit des règles claires, des objectifs mesurables. Face à l’imprévisibilité émotionnelle du couple, cette clarté rassure.
Reconnaissance externe : collègues, entraîneur ou réseau social renvoient des feedbacks positifs qui renforcent l’estime de soi, parfois malmenée à la maison.
Anesthésie émotionnelle : la concentration intense libère des endorphines et détourne l’attention des affects douloureux.
Le problème ? Ce soulagement fonctionne comme un analgésique : il fait disparaître la douleur sans soigner la plaie. À long terme, la distance augmente, la communication s’appauvrit et chacun se retrouve isolé au sein même du foyer.
Lire le message derrière la fuite
La première tâche thérapeutique consiste à décoder ce que la suractivité vient dire : fatigue des disputes cycliques, peur de l’intimité, sentiment d’incompétence parentale ? Dans la plupart des consultations, le « workaholic » ou le « passionné » n’est pas le seul responsable ; l’autre partenaire peut, volontairement ou non, renforcer la dynamique : critiques permanentes, attentes floues, absence de reconnaissance. Comprendre cela évite de pathologiser unilatéralement l’un des conjoints et replace la fuite comme le langage d’un système conjugal en souffrance.
Du constat à l’action : pistes d’intervention
Mettre la fuite à l’agenda : En séance, chaque partenaire planifie un créneau pour aborder la question : « Je remarque que tu travailles jusqu’à 22 h ; j’aimerais savoir ce que cela t’apporte et ce que tu ressens à la maison. » Fixer cadre et durée réduit la crainte de l’escalade conflictuelle.
Réintroduire la réciprocité : Il s’agit de remplacer la logique activité / échappatoire par activité / ressource. Le hobby peut rester, mais devient partagé : répétition musicale à deux, course dominicale en famille, participation de l’autre au projet professionnel (lecture d’une présentation, visite des locaux). Le but n’est pas le contrôle, mais la création de passerelles symboliques.
Travailler la tolérance à la frustration : Les conjoints apprennent des micro-rituels d’autorégulation : pause respiration avant de répondre, signal non verbal pour marquer la surcharge. Plus la tolérance monte, moins le besoin d’évasion se fait impérieux.
Renforcer l’identité commune : Un couple n’est pas la somme d’individus performants mais une troisième entité qu’il faut nourrir. Construire un projet conjugal (voyage, rénovation, engagement associatif) redonne du sens partagé et diminue la tentation de se retrancher.
Conclusion
Fuir dans le travail ou les loisirs n’est pas le problème ; c’est l’alerte rouge d’une relation qui réclame dialogue, reconnaissance et co-construction. En transformant l’échappatoire en message, puis en action réparatrice, la thérapie de couple aide chacun à réinvestir la vie commune sans sacrifier ses passions — mais en les mettant au service du lien.
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