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Thérapie de couple : la force de la neutralité bienveillante




Dans l’espace sensible de la thérapie de couple, la tentation est grande de prendre parti. Face à des récits douloureux, des injustices apparentes, des comportements blessants, le thérapeute pourrait être tenté de désigner un coupable, de nommer un responsable, voire de moraliser. Pourtant, c’est précisément là que se situe la rigueur et l’exigence de notre métier : rester dans une neutralité bienveillante, sans juger, sans interpréter trop vite, sans se laisser emporter par l’émotion. Non pas pour éviter les conflits ou fuir les tensions, mais pour permettre au couple de se regarder dans un espace réellement sécurisant.


La neutralité bienveillante n’est pas une posture passive ni une abdication de responsabilité. Elle est une discipline, une façon de contenir l’impulsivité du jugement. Il ne s’agit pas d’être indifférent à la souffrance, mais de refuser de rabattre une dynamique relationnelle complexe sur une lecture manichéenne. Dans un couple, chacun porte sa part d’histoire, de blessures, de stratégies de survie. Prendre parti, c’est figer l’un comme bourreau, l’autre comme victime — et risquer de réduire la relation à un déséquilibre caricatural.


L’expérience clinique montre que lorsque le thérapeute se laisse aspirer dans une logique de jugement ou d’alliance implicite avec l’un des partenaires, la thérapie se bloque. Le partenaire « mis en accusation » se ferme, se défend ou quitte le processus. Le couple n’est alors plus en situation de co-construction, mais dans un face-à-face triangulé. La relation thérapeutique perd son potentiel de transformation.


La neutralité bienveillante offre un cadre solide, dans lequel chaque partenaire peut se sentir entendu, respecté, non disqualifié, même lorsqu’il est confronté à ses limites ou à ses comportements problématiques. C’est cette posture qui permet l’émergence de prises de conscience authentiques, car elle n’humilie pas. Elle invite, au contraire, chacun à réfléchir, à se repositionner, à se responsabiliser — sans être acculé par un regard jugeant.


Bien entendu, cette neutralité n’est pas une neutralité morale face à la violence ou au non-respect. Elle n’empêche pas le thérapeute de poser des limites claires, de rappeler le cadre ou d’interrompre un échange destructeur. Mais elle évite la tentation, souvent contre-productive, de « trancher » entre deux versions du réel.


En définitive, la neutralité bienveillante est une posture d’humilité et de respect, qui permet au couple de redevenir acteur de sa propre histoire. Elle constitue moins un retrait qu’une présence contenante, capable de soutenir la complexité du lien, sans jamais chercher à en simplifier les ressorts.

 
 
 

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