La violence financière dans le couple : quand l’argent devient une arme
- frédéric lacrabere
- 15 avr.
- 3 min de lecture
Parler de violence dans le couple évoque souvent les coups, les cris, les humiliations. Mais il existe une forme de violence plus sourde, plus insidieuse, qui s’immisce dans les silences et les comptes bancaires : la violence financière. Peu visible, elle est pourtant une réalité quotidienne pour de nombreuses personnes, principalement des femmes, qui se retrouvent privées d’autonomie et de liberté au sein même de leur foyer.
Qu’est-ce que la violence financière ?
La violence financière, ou violence économique, désigne un ensemble de comportements visant à contrôler une personne par l’argent. Elle peut prendre plusieurs formes :
Refus que le ou la partenaire travaille, ou sabotage de sa carrière.
Obligation de remettre l’intégralité de son salaire à l’autre.
Contrôle strict des dépenses, jusqu’au moindre centime.
Interdiction d’avoir un compte bancaire personnel.
Endettement forcé, emprunts contractés sans consentement.
Non-participation volontaire aux charges du foyer.
Rétention d’argent pour punir ou faire pression.
Cette forme de violence est souvent banalisée, voire méconnue, car elle ne laisse pas de traces physiques. Pourtant, ses effets sont profonds et durables.
Une atteinte à l’autonomie et à la dignité
L’argent n’est pas qu’un moyen de subsistance : il représente aussi la capacité à choisir, à dire non, à partir si nécessaire. Lorsque l’un des membres du couple prive l’autre de cette autonomie financière, il ou elle réduit l’autre à un état de dépendance. Cette emprise peut enfermer pendant des années, notamment lorsqu’il y a des enfants ou un logement commun.
Certaines victimes expliquent qu’elles n’avaient “même plus le droit d’acheter une baguette de pain sans rendre des comptes”, ou qu’elles “ne savaient pas combien il y avait sur le compte bancaire commun”. D'autres disent avoir été tenues à l’écart des décisions majeures, comme l’achat d’une maison ou la gestion du budget familial.
Pourquoi c’est difficile à identifier – et à dénoncer
La violence financière est souvent confondue avec une “répartition normale des rôles” ou avec une “organisation budgétaire stricte”. Dans les schémas patriarcaux, il reste courant que l’homme soit vu comme le “chef de famille” qui gère l’argent, tandis que la femme s’occupe du foyer. Cette vision alimente des dynamiques de pouvoir inégalitaires, et rend difficile la prise de conscience.
De plus, les victimes peuvent ressentir de la honte à parler d’argent ou à admettre leur dépendance. La peur de ne pas être crue ou d’être jugée comme "intéressée" ou "mauvaise gestionnaire" est fréquente.
Comment s’en sortir ?
Reconnaître qu’il s’agit de violence est la première étape. Ensuite, il est essentiel de trouver du soutien : associations, assistantes sociales, avocats, groupes de parole. Certaines structures comme le 3919 (en France) permettent une écoute et une orientation vers les bons interlocuteurs.
La reconstruction passe souvent par la reprise d’autonomie économique : retrouver un emploi, ouvrir un compte personnel, se faire accompagner dans la gestion budgétaire, voire accéder à un hébergement temporaire si nécessaire.
Un enjeu politique et sociétal
La violence financière ne peut être séparée des inégalités de genre plus larges : écart de salaires, précarité professionnelle, absence de protection pour les conjoint·es sans revenus. C’est aussi une question de justice sociale : permettre à chacun et chacune de vivre librement, y compris dans sa vie intime.
La violence financière est un piège invisible mais puissant. Elle contrôle, isole, et empêche d’agir. Il est urgent d’en parler, de la nommer, de l’exposer pour mieux la combattre. Car aimer, ce n’est pas priver l’autre de ses moyens, c’est lui permettre de s’épanouir, librement et dignement.
Pour aller plus loin, je vous conseille le podcast Thune qui parle d'argent mais surtout ces trois épisodes sur la violence économique.
La banquière qui devient vache à lait :
L'expat qui perd toute autonomie :
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